Retour en arrière.
Samedi 1er février, je prends un chemin parcouru déjà tant de fois sur l'île. C'est tellement habituel, je dévale la pente d'un pas assuré, et puis... mes pieds s’emmêlent, mes chaussures s'accrochent et glissent, je chute, ma tête heurte les palettes en bois faisant office d'escalier, mes genoux encaissent le choc, mon pouce s'écrase contre le sol. 10 secondes. Assise. Je me relève en boitillant, je rentre, la douleur résonne un peu partout. [...] Le soir il y a des aurores boréales et, en les photographiant la main bandée, je me dis que c'est une bien maigre consolation.
Dimanche. En me réveillant, je constate qu'un coquard violacé est apparu tout autour de mon œil. Je sens bien que mon nez et mon arcade ont pris un gros coup, mais ce n'est rien comparé à la douleur du pouce ; il reste enrubanné, il ne bouge plus. Et puis ça tombe bien, c'est jour de repos sur l'île.
Lundi. Le coquard s'étend, le pouce reste gonflé. Dehors c'est la tempête. On n'est que trois sur l'île, la vie est au ralenti. Je demande des conseils à distance, en France, je commence à me demander si mon nez n'est pas cassé, il m'a l'air de travers... pourtant ça ne fait pas si mal, en tout cas moins que le pouce, qui lui n'est certainement pas cassé. On me répond qu'il n'y a pas d'urgence, alors j'attends.
Mardi. La tempête nous entoure et nous isole, on ne voit plus que la mer et les nuages. Aucune amélioration, j’attends. De toute façon les vagues sont trop grandes pour qu'il soit possible de rejoindre le continent.
Vendredi. La vie d'ici s'agite, de nouveaux volontaires sont arrivés, l'île se peuple à nouveau... et moi je la quitte. Je monte à nouveau sur le petit bateau, vers le continent, on m'emmène chez un médecin qui parle anglais et même un peu français. Il dit que mon pouce, bien que toujours gonflé et vaguement bleu-grisâtre, n'a besoin que de temps. Il dit que mon nez est très probablement cassé. Il ajoute qu'il faut que je voie un ORL, mais qu'il n'y en a pas par ici... Il s'excuse presque en m'expliquant que le plus proche est à Bodø, à 350km d'ici, que le plus simple c'est de prendre un avion mais que surtout il faut faire vite, parce qu'après sept jours c'est trop tard pour remettre mon nez en place. [...] L'après-midi file avant que je n'aie pu tout organiser, il y a eu trop d'attente au téléphone et pas assez d'avions. Retour sur l'île.
Samedi. 10h20, le petit bateau file encore une fois vers le continent. 11h, je monte dans le bus pour Sortland. 11h20 j'en descend et je patiente. 12h50, un nouveau bus m'emmène à l'aéroport. 13h50, il n'y a que sept passagers dans le tout petit avion qui décolle pour Bodø. 14h20, on a déjà atterri. 14h35, un taxi me dépose à l'hôpital. 15h, l'ORL est là. Et ensuite... j'ai perdu la notion du temps. Il y a eu des questions, des vérifications, des explications, il y a eu de la douleur quand l'aiguille de l'anesthésie a piqué à de trop nombreuses reprises à l'intérieur de mon nez, mes yeux sont restés fermés quand le médecin a appuyé de toutes ses forces pour remettre les os en place... j'entends "you're tough, you haven't made a sound !" et j'ai envie de dire "I was screaming inside". Le nez redressé, à 1mm près, boursouflé par l'anesthésie locale, je marche jusqu'à l'hôtel réservé la veille et je n'ai vraiment aucune envie d'aller visiter la ville (de toute façon il est plus de 16h, il fait déjà nuit). 19h, l'anesthésie n'a plus aucun effet et j'ai mal.
Dimanche. La douleur est partie, tant que je ne touche pas à mon nez. 11h je quitte l'hôtel et marche jusqu'à l'aéroport. 11h25, j'y suis. (Bodø est une petite ville...) J'attends. 13h, le même tout petit avion qu'hier retourne survoler les sommets enneigés des fjords. 13h25, c'est déjà fini. 14h, retour à Sortland, 1h20 d'attente, 15h20, je reprends le bus. 16h40 je vois l'île au loin...
Lundi. Je suis rentrée.
Lundi. Je suis rentrée.
Et maintenant ?
[Encore une fois... rien.]
Y a plus qu'à reprendre les habitudes, faire la cuisine pour cinq, six ou sept personnes selon les jours, prendre son temps pour éplucher les légumes, faire attention à ne pas retomber sur le nez, laisser le temps filer avant de se remettre à dessiner, et retrouver la tranquillité de la vie d'ici.
2 commentaires:
Et tout ça pour aller se soulager !
J'aurais voulu sauter plusieurs passages, mais comme d'hab, je me laisse emporter par tes mots et j'ai souffert par procuration !
Euh... l'histoire des 8 chutes, franchement, c'est pas une obligation !
Le tout est de tomber de la même façon de l'autre coté, comme ça la symétrie du coquard passera pour du maquillage très créatif! à tout problème, une solution. FORCE ET HONNEUR! ;)
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